dimanche, juin 11, 2006

Les pêcheurs du lac Gorgotton

Chaque année, je vais à la pêche avec plusieurs de mes frères et quelques amis. Ce poème témoigne de l'ambiance qui y règne.



Dans ce décor de rêve
Loin des bruits de la civilisation
Loin des tapages inutiles
Loin des traquenards sociétaux
Loin des hurlements réducteurs
Huit humains, frères par le sang et l’amitié
Vivent une étonnante complicité.

Venant d’horizons divers
Ayant des vécus riches
Vivant de désirs profonds
Souhaitant des demains prometteurs

Ces huit humains pêcheurs, pendant quelques heures confraternisent
S’émerveillent de leurs prises
S’émeuvent en évoquant les amours de leur vie
Bénissent Bacchus et son précieux liquide
Théâtralisent des faits divers
Discutent des heures durant des mets à déguster
Admirent celui qui dépèce les petites truites
Eux qui préféreraient en pêcher de plus grosses
Se bidonnent des histoires rocambolesques de Rosaire
S’extasient devant les prouesses réparatrices de Richard
Sont médusés devant les silences significatifs de Michel
Constatent avec ravissement les constructions de Romuald
Sont étonnés par la transparence émotive de Guy
Se méfient des entourloupettes d’Élie
Sont magnétisés par la franchise de Claude.

Moi, Jacques, qui écris ce poème
Pour rien au monde, j’échangerais ces compagnons
Malgré leurs propos farfelus
Malgré leurs extases devant les filles des calendriers
Malgré leurs jugements à l’emporte- pièce
Malgré leurs histoires de cul
Malgré leurs flèches acérées
Contre les politiciens
Contre les fanatiques religieux
Contre les crosseurs du système
Contre les faux-dieux
Contre les idéologues de tout acabit


Toi, le poète, laisse tomber ta colère,
Pense à ces huit compagnons
Qui, sur ce lac de rêve,
Font le vide plein du quotidien
Hument les fragrances de la nature
Entendent le cri des huards
S’attendrissent sur les rejetons des hirondelles
S’affairent dans l’intendance domestique du camp
Ronflent en chœur dans une diabolique et divine harmonie
Se prêtent aux confidences d’un compagnon en détresse
Montrent leurs corps nus aux regards indiscrets
Prennent leurs pilules en se bidonnant
Mordent tout simplement dans la vie
Sans n’avoir plus rien à prouver à la galerie.


Vous qui lirez ce poème
Sachez que ces huit compagnons heureux
Admiratifs inconditionnels de la nature
Se prêtent à des confidences
Laissent tomber inopinément
Par bribes leurs effluves amoureuses verbales
Sous les regards ébahis de leurs interlocuteurs
Sidérés par leurs prouesses verbales ou fictives.
De loin, j’entrevois vos sourires amusés!
Qu’ils sont vantards ces joyeux gaillards!
Pour eux, les collines sont des montagnes
Les patates brunes sont des pépites d’or
Les « Toronto Wobbler » sont des étoiles filantes
Leurs vers de terre sont de succulentes lentilles
Leurs barques sont des Crossfire Roadster
Les truites sont des Naïades.

Laissons rêver ces pêcheurs
Laissons-les fraterniser
Laissons-les vivre pleinement
Dans ce décor de rêve
La civilisation les rattrapera
Bien assez vite.